Caroline Gros, conseillère conjugale, psychopraticienne et non-voyante
Caroline Gros, conseillère conjugale, psychopraticienne et non-voyante
Entrepreneuriat et handicap
Caroline Gros est une travailleuse indépendante handicapée (TIH). Elle exerce comme conseillère conjugale et psychopraticienne à Redon. Elle nous raconte son quotidien d’entrepreneure et les difficultés que posent son handicap.
En France, on compte 80 000 travailleurs indépendants handicapés (TIH). Parmi eux, Caroline Gros est conseillère conjugale et psychopraticienne à Redon (35). Elle exerce dans un cabinet à proximité de la gare. « Je réalise des entretiens de conseil conjugal (individuel, couples, famille, etc.) ainsi que des suivis individuels en psychothérapie », explique-t-elle. Elle intervient également à l'extérieur pour réaliser des animations collectives. Cela peut être en lycée pour les séances obligatoires d’éducation à la vie affective, relationnelle et sexuelle ou dans des structures spécialisées comme des Instituts médico-éducatifs et des centres sociaux.
Caroline a été malvoyante pendant longtemps avant de complètement perdre la vue. Sa situation l’a contrainte à adapter son parcours scolaire et professionnel. Si elle débute des études de commerce en milieu ordinaire, elle se réoriente rapidement vers une école de kiné spécifiquement dédiée aux déficients visuels à Villeurbanne (69).
Une dizaine d’années plus tard, une opportunité professionnelle l’amène à changer à nouveau de secteur. Elle devient conseillère conjugale au Planning familial, association qui fait notamment de l’éducation à la sexualité et lutte pour le droit à l’avortement. Elle va y passer plus d’une dizaine d’années jusqu’à devenir directrice de l’antenne locale d’Annonay (07). Malheureusement, cette dernière ferme et Caroline doit retrouver une activité.
C’est là que lui vient l’idée de changer de ville. « Mon déménagement est assez lié au pro et très lié au handicap. J'habitais dans une zone rurale en Ardèche, économiquement assez sinistrée, où les déplacements étaient très compliqués à organiser. J'ai fait le choix d’aller dans une ville où j'aurais plus d'autonomie. »
A son arrivée en Bretagne, en 2022, Caroline se lance dans l’entrepreneuriat. « Un des côtés positifs de l'indépendance, c'est la possibilité de créer une activité sur-mesure. Mais ça pose aussi beaucoup de contraintes qu'il faut arriver à gérer seule. J'ai toujours eu des collègues compréhensifs ce qui permettait de surmonter simplement les petites difficultés », raconte -t-elle.
Pour faciliter le développement de son activité, Caroline est accompagnée par l’association Inklusion, qui a pour mission de favoriser l’emploi des publics en situation de fragilité (handicap, précarité, réfugié·es).
La structure l’aide à monter un dossier auprès de l’Agefiph (Association de gestion du fonds pour l'insertion des personnes handicapées), qui lui a permis de recevoir un financement pour payer la mise à jour de son outil de synthèse vocale et une aide humaine. Cette dernière consiste en un soutien sur les questions administratives, commerciales et surtout une aide au déplacement. « Elle m'accompagne par exemple au lycée quand j’ai une animation à réaliser. Elle m'aide à repérer les lieux, à mettre en place la salle, vérifie que mes supports sont correctement imprimés, etc. », liste—t-elle. Ce poste est financé à 80% par l’Agefiph à raison de 28 h par mois. « Je n’aurais pas les moyens toute seule de payer cette personne », ajoute-t-elle.
Un des côtés positifs de l'indépendance, c'est la possibilité de créer une activité sur-mesure.
Un autre aspect à gérer de son handicap est le regard que porte sa patientèle sur elle. « Je pense que ça ne laisse pas les gens indifférents. […] Moi, je fais le choix d’en parler. Parfois, je prends ma canne blanche pour aller en salle d’attente juste pour me signaler. Dans les groupes, je l'explique aussi et je trouve que ça crée souvent quelque chose de positif. » Certain·es y voient d’ailleurs un avantage : dans une petite ville comme Redon, ils peuvent se confier sans risque d’être reconnus dans la rue par leur thérapeute !
Quand elle est arrivée à Redon, Caroline devait cumuler un mi-temps de salarié·e avec une activité d’indépendante en conseil conjugal. Mais le contexte a changé et elle s’est exclusivement dédiée à son projet d’entrepreneuriat. « En arrivant, je ne connaissais personne, Il a fallu bâtir tout un réseau […] Mon activité en cabinet est plaisante et accessible. J’ai mon espace de travail et je ne rencontre pas de problèmes de déplacement. Mais c'est très compliqué d'en vivre », dit-elle.
Caroline complète ses revenus avec des interventions extérieures, permises par son aide au déplacement, et avec des séances de psychothérapie grâce à une formation validée en 2024.
Malgré ses multiples activités, elle ne vit pas pleinement de son travail. Elle a un statut de micro-entrepreneur et travaille environ 25h par semaine réparties sur quatre jours. Elle bénéficie également de l’Allocation adulte handicapé (AAH) dont le montant varie en fonction de ses ressources. Et bonne nouvelle, depuis l’automne dernier, son activité est en croissance.