Éric Sinou, technicien forestier au CNPF, « La notion de gestion du risque fait partie intégrante de la gestion forestière »
Éric Sinou, technicien forestier au CNPF, « La notion de gestion du risque fait partie intégrante de la gestion forestière »
La forêt et le bois en Bretagne
Éric Sinou est technicien forestier au CNPF (le Centre national de la propriété forestière). Il retrace les changements en cours qui impactent la forêt et les évolutions qui en découlent pour la filière.
Il y a encore 15 ou 20 ans, on estimait que les impacts du changement climatique étaient plutôt positifs pour la forêt. Il y avait notamment un allongement de la saison de végétation, donc des arbres qui poussent davantage sur une année avec une production de bois plus élevée.
Aujourd’hui, on assiste à une augmentation des problèmes sanitaires liés au changement climatique. J’observe à mon niveau les effets de ces perturbations sur certaines essences. On peut citer le cas de la maladie de l’encre sur le châtaignier. Ce pathogène est présent depuis longtemps en France mais son impact est de plus en plus prégnant. Avec d’un côté des hivers doux et humides qui renforcent la maladie et d’un autre côté des périodes de sécheresse défavorables au châtaignier.
Plus généralement, en Bretagne, nous sommes pour l’instant un peu moins concernés que certaines régions françaises car le niveau important de pluviométrie permet en général de palier les périodes de sécheresse. Mais avec des températures qui risquent d’augmenter, aurons-nous toujours l’avantage ? Nous avons tout de même gagné en Bretagne 1°C en l’espace de 30 ans !
Les forestiers se préoccupaient déjà des effets du changement climatique avant que cela ne devienne un sujet d’actualité. En 2009, le CNPF et différents organismes de recherche européens ont créé des arboreta dans plusieurs régions européennes dont la Bretagne. Ce sont des parcelles expérimentales composées de différentes essences d’arbres, de provenances différentes. Elles ont pour objectif d’évaluer le comportement de chaque essence sous des climats différents et de repérer celles qui semblent au fil du temps les mieux adaptées.
D’autres expérimentations portant sur la sylviculture ont pour objectif de comparer une gestion forestière classique, sans prendre en compte le changement climatique, avec une gestion adaptative qui anticipe les changements à venir.
Aujourd’hui lorsqu’un projet de boisement est étudié, la notion d’évolution du climat prend une part prépondérante sur le choix des essences et leur capacité à s’adapter aux modifications du climat. Plusieurs options existent : maintien de l’essence, maintien de l’essence mais en choisissant une provenance a priori plus adaptée au climat futur (qui proviendrait du sud de la France) ou changement d’essence.
Les réflexions doivent être entamées avant d’envisager la récolte des arbres d’une parcelle. Peut-on faire perdurer le peuplement ? Faut-il favoriser la régénération naturelle si l’essence risque de ne plus être adaptée au climat futur ? Ou alors changer d’essence ou de provenance ? Toutes ces questions ont des impacts nouveaux sur la gestion forestière.
En parallèle, les forestiers travaillent avec du vivant et sur du moyen à très long terme. Il y a donc déjà une réelle incertitude sur l’avenir des forêts (tempêtes, maladies) sans parler du climat futur. La notion de gestion du risque fait partie intégrante de la gestion forestière. Nous avons aujourd’hui à prendre en compte les risques liés à l’évolution du climat. Sans oublier le poids économique que peuvent engendrer ces différents changements.
